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Allons-nous survivre aux effets des changements climatiques?

Au cours des derniers mois, la question revient sans cesse marteler mes pensées. Réussirons-nous à survivre aux effets des changements climatiques que nous voyons partout sur la planète?

La science est sans appel, et nous sommes témoins quotidiennement des effets nombreux et ubiquistes, directs ou indirects, liés ou insoupçonnés des changements climatiques. La réalité défie toujours plus les analyses et les modèles. La liste de leurs effets est devenue si longue qu’elle devient presque banale : inondations, coups de chaleurs, feux de forêt, sécheresse, tempêtes, migrations, etc.

La pandémie avait donné quelques raisons d’espérer en nous obligeant à changer nos habitudes de vie. Certains évoquaient des changements durables, notamment pour ce qui touche les déplacements pour le travail et la fréquence de nos transports aériens. Vœux pieux? Si le télétravail, les déplacements en vélo, et la vente de voitures électriques ont fait des bonds inespérés, il reste du chemin à faire. À l’échelle mondiale par exemple, les voyages en avion sont de retour en grand, comme avant la pandémie. Qui plus est, la consommation d’énergie est en croissance constante et mène inexorablement à des émissions plus élevées et à la construction de nouvelles infrastructures pour nourrir notre développement et notre appétit quasi infini.

Du meilleur et du pire

Nous nous disons que notre consommation individuelle ne fait pas le poids face aux grands émetteurs industriels de gaz à effets de serre (GES). Cependant, quel que soit le secteur d’activité, la tendance lourde est que de nombreux émetteurs tentent aussi de trouver des manières de produire en recherchant la carboneutralité. En d’autres mots, ne pas mettre plus de GES dans l’air, réduire et compenser les émissions. Alors que nous entamons une transition énergétique, nous constatons que nous sommes capables simultanément du meilleur et du pire : une économie verte en explosion et l’extraction d’énergies fossiles qui tourne à fond. Et nos émissions continuent d’augmenter à des taux records après une pause pandémique qui fut bien courte pour la planète.

Les initiatives et le cadre réglementaire pour réduire les émissions de GES et s’adapter aux changements se multiplient et souvent fonctionnent, mais dans cette transition, deux variables font mal : le temps et les coûts. Le temps fuit, les changements s’accélèrent et s’amplifient et demandent une adaptation qui bouscule nos habitudes et fait mal à notre portefeuille.

Pensons simplement à la majoration du coût de la nourriture, de l’assurance habitation, et à l’augmentation des flux migratoires. Les catastrophes naturelles, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses, de feux de forêt, nous touchent tous où que nous soyons sur la planète. Partout, le coût de l’énergie augmente parce qu’on en consomme toujours plus et que la ressource est convoitée, ce qui crée de la rareté. On construit alors des barrages, des puits de pétrole et de gaz, souvent avec des deniers publics. En somme, nous alimentons tous ensemble la source principale des GES, et cela coûte de plus en plus cher. Le serpent se mord la queue!

Alors que nous entamons une transition énergétique, nous constatons que nous sommes capables simultanément du meilleur et du pire : une économie verte en explosion et l’extraction d’énergies fossiles qui tourne à fond.

Deux constantes de succès

Malgré ces évidences, nous sommes souvent dépassés et incapables de faire face à cette transition énergétique, qui appelle un autre type de transition, une évolution de la société, voire un changement d’ère, l’anthropocène. Nous devons dorénavant penser nos gestes quotidiens et nos plans en termes de carboneutralité pour arriver à survivre aux effets des changements climatiques. Il n’y a pas de réponse simple face à cette crise globale, mais depuis les trente dernières années, il se dégage deux constantes de succès dans la quête de solutions, tant ici qu’au niveau international. Je les résume ici.

Premièrement, les gouvernements, les entreprises et les philanthropes devront investir massivement dans la recherche pour trouver des solutions aux défis posés par l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation aux bouleversements déjà en cours. Tous les secteurs économiques et scientifiques doivent considérer prioritairement ces effets dès maintenant dans leurs plans de développement. Même l’art doit s’y atteler. Le théâtre citoyen est une incroyable forme d’information, de divertissement qui peut nous pousser à l’action!

Deuxièmement, écouter la population et l’amener à participer à la compréhension, à l’expérimentation et à l’analyse des solutions et des inconvénients afin d’obtenir l’acceptabilité sociale. Sans quoi, la population sera une constante source de résistance, alors que le temps file et que les effets deviennent irréversibles. Avec l’apport des citoyens, nous détenons la clé de voûte pour accélérer la transition de toute la société. Il faut notamment porter une attention particulière à la jeunesse et s’en inspirer : les jeunes ont montré à travers l’histoire qu’ils sont un moteur et un formidable accélérateur de changement. Par l’éducation de base et la formation scientifique, ils deviendront des innovateurs qui sauront faire mieux que nous.

Au début de cette nouvelle ère, nous devons chaque jour faire des choix qui mènent à des actions dès notre réveil, pour réduire notre contribution aux changements climatiques et rappeler à tous et toutes que nous le faisons pour le bien commun. C’est une question de survie. De plus, nos dirigeants publics et privés doivent soutenir nos communautés et leur volonté d’adaptation tout comme ils appuient des pans complets de l’économie dans la réduction des émissions de GES. Sans l’apport de toutes et tous, nous ne réussirons pas. Les conséquences mondiales du réchauffement climatique font partie de ces responsabilités collectives pour lesquelles il n’y a plus de petits gestes.

Comme me le disait lors de mes études le professeur émérite Pierre Dansereau, « prendre le chemin le plus difficile est la meilleure façon de ne pas se tromper ». Ça donne encore quelques raisons d’espérer que le leadership des scientifiques et des communautés appuyés par les gouvernements et les acteurs privés peuvent faire une différence, ici et ailleurs.

Article rédigé par:

Fellow et professeur associé, Institut d’études internationales de Montréal, IEIM-UQAM
Les opinions et les points de vue émis n’engagent que leurs auteurs et leurs autrices.