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Le Québec s’engage dans la bataille mondiale des batteries

Le Québec est entré dans la bataille mondiale des batteries. En effet, ces derniers temps, nos gouvernements (fédéral et provinciaux) ont multiplié les annonces spectaculaires concernant la mise en place d’une filière de production de batteries pour propulser les véhicules électriques (VÉ). Avec, à la clé, des milliards de dollars en appui financier aux entreprises venant s’installer au Canada.

Ainsi, fin septembre, les gouvernements canadien et québécois dévoilaient le plus important investissement privé de l’histoire du Québec : celui de la méga-usine de batteries de la firme suédoise Northvolt Batteries North America, en banlieue de Montréal, qui devrait entrer en exploitation en 2026. Un projet de sept milliards de dollars, avec la création prévue de 3000 emplois.

D’autres annonces avaient précédé celle-ci, comme la venue en sol québécois de gros acteurs de l’industrie des véhicules, entre autres Ford et General Motors.

Bref : il y a beaucoup de mouvement dans ce secteur d’activités, au Québec et ailleurs, et la question se pose : le Québec peut-il vraiment devenir un acteur important de cette filière en pleine progression ?

Chose certaine, l’ambition est là. 

Au Québec, le gouvernement, dont Investissement Québec, qui détient le rôle de chef de file, Hydro-Québec, les municipalités, au premier chef Bécancour, cœur de la nouvelle Vallée de la transition énergétique, affichent une volonté, commune, celle de faire du Québec une plaque tournante de la filière des batteries en Amérique du Nord.

La clé de voute de cette belle volonté : une électricité presque sans émission de CO2, donc la mise en place d’une filière « verte » de batteries, qui séduit les investisseurs. 

Dans les officines gouvernementales en Amérique du Nord, on chuchote que c’est cet alignement des forces, cette concertation étroite menée depuis quelques années, qui constitue finalement le principal atout du Québec : tous les acteurs tirent dans la même direction, s’informent, s’entraident dans la réalisation de ce vaste projet.

 

Un marché mondial en ébullition

Sans surprise, le marché mondial des batteries est en pleine ébullition. Selon McKinsey, les ventes mondiales de batteries devraient croître de plus de 30 % par an d’ici 2030, pour atteindre 400 milliards. Ici même au Québec, les objectifs de décarbonation du secteur de transports individuels sont très ambitieux. Le gouvernement ne vise pas moins que 2 millions de véhicule zéro émission d’ici 2030, soit dans à peine sept ans. C’est dire l’importance de la disponibilité de batteries, la composante la plus essentielle d’un véhicule électrique.

Pour le moment, c’est la Chine qui domine la chaine d’approvisionnement en batteries, avec plus des trois quarts des capacités de production. La Chine abrite six des dix plus grands fabricants de batteries au monde. 

 

Objectif : faire du Québec un acteur majeur de l’industrie des batteries, pouvant alimenter une grande partie du marché nord-américain. Certains parlent de parts de marché atteignant les 30 %.

La transition énergétique, une course industrielle

Avec la pandémie et les enjeux d’approvisionnement de matériels médicaux, souvent disponibles qu’en Chine, et la guerre en Ukraine, qui a exposé la vulnérabilité de l’Europe envers la Russie sur le plan énergétique, le monde occidental a pris un tournant. Il entend se défaire de la dépendance, donc d’une vulnérabilité, envers la Chine et d’autres pays aux régimes autoritaires, potentiellement soumis aux caprices d’un chef d’État omnipotent. Mais ces mêmes États veulent en même temps se positionner en force dans la révolution industrielle amorcée par la transition vers les énergies propres. 

Ce tournant a été pris aux États-Unis avec l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA), à l’été 2022. Cette loi sans précédent accorde de généreux crédits pour le déploiement de technologies à faible émission de carbone, surtout si celui-ci se fait sur le territoire américain. Les Américains souhaitent refaire un tissu industriel décimé par la mondialisation et, selon les dirigeants démocrates, une des causes de l’émergence du trumpisme.

Washington vise également à ce que les États-Unis prennent la place de meneurs dans la course à la transformation vers un système énergétique décarboné. Celui-ci entrainera la multiplication de panneaux solaires, de parcs éoliens et, en matière de transport terrestre, de batteries pour remplacer les moteurs à essence. Le Canada a aussi dû entrer dans la danse. Lors du budget du printemps 2023, le gouvernement fédéral a annoncé des aides aux technologies propres estimées à quelque 80 milliards.

 

La valse des aides gouvernementales

Bref, plusieurs États cherchent à se positionner dans ce qu’ils considèrent comme l’émergence de l’économie de demain. Dans cet esprit, ils ouvrent les cordons de la bourse. Ottawa et l’Ontario ont ainsi réussi à attirer dans cette province les firmes Stellantis/LG Energy Solutions et Volkswagen, grâce à une aide phénoménale de quelque 28 milliards de dollars jusqu’en 2032 pour l’installation d’usines de batteries pour VÉ.

Le gouvernement du Québec s’est lui aussi clairement lancé dans la course mondiale aux batteries. On ne vise rien de moins que la formation d’une nouvelle grappe industrielle, aussi importante que celle de l’électricité, ou celle de l’aéronautique, deux secteurs d’excellence au Québec. Pour le gouvernement, il est temps de marquer le coup, de faire preuve de la même audace que celle qui a menée à la nationalisation de l’électricité sous l’égide d’Hydro-Québec et plus tard au développement de complexes hydroélectriques à la baie James.

La Stratégie québécoise du développement de la filière batteries affiche ces grandes ambitions, soit une présence dans tout le cycle de production d’une batterie. C’est-à-dire de l’exploration et l’extraction des minéraux requis pour les batteries, forte consommatrice de minéraux ; la production des composantes des batteries ; la récupération des matériaux en fin de vie, en vue d’une réutilisation (recyclage) ; et la R&D : le Québec compte en effet plus de 850 brevets en matière de recherche dans cette filière. 

Objectif : faire du Québec un acteur majeur de l’industrie des batteries, pouvant alimenter une grande partie du marché nord-américain. Certains parlent de parts de marché atteignant les 30 %.

Les atouts du Québec

Il faut dire que les atouts québécois ne manquent pas : 

– la capacité de produire les batteries grâce à une électricité déjà décarbonée, à faible coût, un facteur clé dans une économie de demain axée sur une production industrielle sans émission polluante;  

– un important potentiel minier pour les composantes de batteries, dont le précieux lithium, avec une industrie minière en mesure de faire valoir le caractère éthique de ses activités, une exigence des investisseurs, des clients et des parties prenantes; 

– une main-d’œuvre qualifiée, à coûts compétitifs; 

– un bassin d’universités de calibre mondial, un facteur clé pour l’innovation;

– la proximité de l’important marché américain, accessible aisément par trains, par bateaux; 

– et, bien sûr, notre qualité de vie, un enjeu majeur pour les entreprises hors Québec afin de convaincre leurs meilleurs talents à s’établir au Québec.

Devant ce marché en très forte expansion, et devant la domination chinoise qui perdurera encore de longues années, la croissance fulgurante prévue aux États-Unis, le Québec se fera-t-il une petite niche dans cette filière ou deviendra-t-il un acteur central ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Les investissements, ici comme ailleurs, sont annoncés, mais les usines ne sont pas encore sorties de terre. Comme dans toute aventure industrielle, certaines entreprises feront moins bien que prévu, d’autres seront à la hauteur des attentes, d’autres prendront une expansion imprévue en raison de la qualité de leur produit et de prix concurrentiels. 

Le gouvernement du Québec a un grand rôle à jouer, surtout en amont, pour attirer les gros joueurs sur notre territoire, si possible les meilleurs et aussi avant les autres. C’est un aspect critique car, une fois installées, ces entreprises mondialisées resteront chez nous longtemps, attirant avec eux toute une série de fournisseurs, de talents. Mais les gouvernements ne sont pas redevables de l’exécution de la stratégie d’affaires et de la performance de ces entreprises, de leurs habiletés concurrentielles.

Le premier bilan de ces grandes annonces donc, et de celles à venir, ne pourra être amorcé que dans environ 5 ans, voire dans une période de 10 ans. Mais de ce bilan dépendra, clairement, la puissance industrielle du Québec et la place qu’il occupera dans l’économie mondiale de demain. Chose certaine, le terrain semble présentement bien labouré, et nos atouts, hautement alléchants.

Article rédigé par:

Fellow et chercheur en énergie au CÉRIUM
Les opinions et les points de vue émis n’engagent que leurs auteurs et leurs autrices.

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